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Publié : 4 juillet 2007
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Le niveau baisse

Didier Nordon, Vous reprendrez bien un peu de vérité ?

Illustration Matyo

« Les élèves qui entrent dans les classes préparatoires aux Grandes Écoles n’y apportent que des connaissances superficielles et une formation technique à peu près nulle ; ils abordent cette période décisive de leurs études avec une absence totale de maturité d’esprit, une puissance de travail inexistante, une incompréhension générale de la vie intellectuelle qui n’a d’égale qu’une ambition souvent démesurée. ( … ) Malgré la diffusion de l’enseignement, et, peut-être, à cause de cette diffusion même, nous assistons à un recul général de la vie intellectuelle. » Propos excessifs ? Non : ils sont confirmés par le rapport sur le concours d’admission à l’École Polytechnique. « Très peu de copies portent la marque d’une personnalité. Toutes les autres dénotaient l’absence d’esprit critique et de jugement. Partout la même abondance décevante de calculs sans la moindre trace d’effort personnel. Souvent la rédaction présentait le même manque d’ordre et de soins. »

Attention ! Le premier extrait provient d’un exposé fait en 1935, le second du rapport sur le concours 1933 (Bulletin de l’Association des Professeurs de Mathématiques, n° 89, avril-juillet 1935 et n° 85, septembre 1934). Aujourd’hui, ces alarmes nous font sourire : les professeurs sevères qui, dans notre jeunesse, nous reprochaient notre nullité (il m’en souvient encore … ) avaient été précisément les nullards stigmatisés par les professeurs de 1930 ! En disant « le niveau baisse », ils ne faisaient donc que répéter devant nous la leçon qu’ils avaient eux-mêmes subie…

llustration de Matyo

La baisse de niveau serait-elle une loi de nature, que tout professeur doit asséner à ses élèves ? Je n’en crois rien. S’effarer du niveau est I’immuable attitude de ceux qui entretiennent un rapport crispé avec leur savoir. Les jeunes ont à s’adapter à un monde différent de celui auquel les vieux ont eu à s’adapter. Ils y mettent ni plus ni moins de qualités, mais ils les utilisent autrement. Dire « le niveau baisse » est une facilité de pensée que doit s’interdire quiconque veut comprendre quelque chose à la marche du monde et des générations - et à son propre vieillissement.

Extrait de Didier Nordon, Vous reprendrez bien un peu de vérité ? , Le niveau baisse, p.37, Editions Belin Pour la science, collection Regards, 2007, 17 €.