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Publié : 5 août 2005
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La radioactivité en folie

Le radium, élément naturel extrêmement rare, fut découvert par Pierre et Marie Curie en 1898. Marie Curie fut couronnée en 1911 pour cette identification d’un second prix Nobel. Elle fut la première femme à recevoir cette distinction.

Le radium fait partie de la descendance radioactive de l’uranium-238 dont il est le cinquième descendant. Le Radium-226 se transforme, à son tour, en un gaz rare radioactif, le Radon-222 dont la période [1] est de 3,8 jours.

Le radium fut l’objet d’un véritable engouement jusqu’à la fin des années 30. La radioactivité apparaît alors comme une source de vie.

Des stations thermales vantèrent la radioactivité de leur eau. L’industrie pharmaceutique mit sur le marché des produits à base de radium : la Tubéradine soignant la bronchite, la Digéraline facilitant la digestion, la Vigoradine luttant contre la fatigue. Le mot « radium » devint un argument magique pour vendre des crèmes, poudres, cosmétiques, savons, dentifrices, et shampoings.

http://www.curie.fr/fondation/musee/visite-virtuelle.cfm/lang/_fr.htm

En France, la Société Tho-Radia vendait en pharmacie une crème de beauté à base de radium. Usurpant le nom de Marie Curie, sa formule était prescrite par un docteur Alfred Curie qui n’avait jamais existé. La crème, qui contenait 0,25 millionième de gramme de bromure de radium pour 100 grammes d’excipient, était sensée effacer les rides du visage : « La Science a créé Tho-Radia pour embellir les femmes. À elles d’en profiter. Reste laide qui veut !  » disait la réclame.

Dans le quartier de l’Opéra, le laboratoire d’un certain docteur Monteil, offrait des appareils de beauté en caoutchouc radioactif : masques, mentonnières, affine-nuques, bandes-chevilles, ceintures amaigrissantes. Le caoutchouc radioactif, à porter une demi-heure par jour, «  faisait maigrir rapidement sans nuire à la santé ».

Les belles des années 1920 furent heureusement protégées des charlatans par le prix très élevé des substances radioactives.

A la fin de la guerre de 1914-18, la demande est telle que le produit se fait rare et cher, ce qui provoque l’intérêt d’industriels pour un élément dont un gramme atteint le prix d’une maison de bon standing dans Paris. Une société belge, l’Union minière du Haut Katanga, développa une production de radium à partir d’un gisement congolais riche en uranium.

Les préparations ne contenaient que de toutes petites quantité de radium, de l’ordre de 100 becquerels par gramme  [2] : elles furent de ce fait pratiquement inoffensives [3].

La laine Oradium était préconisée pour les bébés en raison des « extraordinaires effets de stimulation organique d’excitation cellulaire transmis par le radium ».

Dans ce florilège, les humains n’avaient pas le monopole des effets miraculeux : « Radia, appât radioactif, attirait les poissons et écrevisses comme l’aimant attire le fer  » ; « Provadior engraissait les animaux de ferme et de basse-cour, véritable provende française contenant du radium ».

C’est à cette époque que l’on prit conscience des dangers que présentait le radium. Exemple extrême et tragique, un industriel américain, Eben Byers, meurt en 1931 des suites d’un empoisonnement. Jeune, sportif, voulant guérir une plaie au bras qui ne cicatrisait pas, on lui avait prescrit du Radithor, une potion magique censée tout soigner, des troubles digestifs aux maladies endocriniennes. Eben Byers but de 1927 à 1931, entre 1000 et 1500 flacons de Radithor à raison de plusieurs par jour. À sa mort, ses os, ses dents, ses tissus étaient devenus radioactifs : chaque flacon contenait environ un microcurie de radium-226 et 228 [4].


Voir l’article Radioactivité dans la Petite encyclopédie indispensable et le site la radioactivité

Notes

[1] La période radioactive, ou période, est le temps nécessaire pour que la moitié des atomes d’un isotope radioactif se désintègrent naturellement. (En physique nucléaire, deux atomes sont dits isotopes s’ils ont le même nombre de protons, autrement dit le même nombre d’électrons, c’est à dire les mêmes propriétés chimiques.)

[2] Le becquerel est l’activité d’une source radioactive qui se désintègre une fois par seconde. On peut mesurer avec un détecteur un seul atome qui se désintègre (1 becquerel).

[3] Rappelons que notre corps est soumis intérieurement à une intensité voisine de 8 000 désintégrations par seconde (8 000 becquerels), dûe aux radiations du potassium-40 et du carbone-14, radioéléments naturels qui y séjournent en permanence. Voir l’article Radioactivité dans Petite encyclopédie indispensable.

[4] Le curie est l’activité d’une source radioactive qui se désintègre 3,72 x 10 puissance 10 fois par seconde . C’est l’activité radioactive de 1 gramme de radium. (1 microcurie = 10 puissance moins 6 curie).