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Publié : 4 février 2008
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Pourquoi la génétique conteste-t-elle l’idée de race ?

La population humaine est très homogène. Si les généticiens comparent le patrimoine génétique d’hommes issus de populations apparemment différentes, ils remarquent que l’homogénéité est telle qu’aucune différence de race ne peut être établie. L’espèce humaine est en fait un vaste mélange.

Au XVIIIe siècle, le botaniste Carl von Linné, père de la classification des espèces, a donné une définition scientifique de la notion de race : une subdivision de l’espèce humaine, basée sur des critères physiques. Or, les fondements des critères physiques sont en partie déterminés par les gènes. Il n’y a donc discipline plus indiquée que la génétique pour alimenter le débat, d’autant plus qu’elle se prête merveilleusement à la classification scientifique. Elle s’intéresse aux molécules d’ADN qui constituent notre patrimoine génétique. Cet ADN contient les informations indispensables à la fabrication de milliers de protéines nécessaires aux cellules pour bâtir et faire fonctionner l’organisme. Des protéines dont dépendent en partie la couleur de la peau, la taille ou la prédisposition plus ou moins forte à diverses maladies, etc. Or, en 2003, le génome humain était entièrement décrypté, révélant un enchaînement de 3,2 milliards d’éléments répartis le long de la molécule d’ADN. Et il apparaît que, d’un individu à l’autre, cet enchaînement ne varie que pour un emplacement sur dix mille.

Certaines de ces différences sont elles caractéristiques d’une origine géographique, d’une race ? Le généticien américain Michael Bamshad s’est intéressé à cent zones de variations de l’ADN chez plus de 500 personnes issues de populations différentes. Résultat : quatre groupes génétiques ont pu être dégagés, correspondant grosso modo à deux populations d’Afrique, une d’Europe et une d’Asie. Mais aucun individu ne détenait la totalité des variantes génétiques (marqueurs) typiques d’un groupe. Pour chaque variante « typique » d’une population, il y a toujours des individus de cette population qui ne l’ont pas, alors que des individus de populations éloignées se trouvent l’avoir. A l’inverse, plusieurs marqueurs chez un même individu peuvent le relier pour certains à sa population d’origine, mais pour d’autres à d’autres groupes humains.

Au final, les études génétiques montrent que l’espèce humaine est un vaste mélange. On trouve des gènes africains chez des Norvégiens blonds aux yeux bleus. La différence génétique entre deux personnes d’une même origine est en général plus grande que la moyenne des différences entre deux ethnies. Une simple observation anthropologique le montrait déjà : il n’y a pas de frontière distincte entre ethnies, mais une continuité dans les couleurs de peau ou les apparences. La génétique nous apprend aussi qu’un individu n’est pas complètement déterminé par ses gènes. Ainsi, les Chinois (souvent plus petits que les Occidentaux) grandissent sur une seule génération s’ils émigrent aux Etats-Unis …

Quant au racisme, il n’a rien de scientifique lorsqu’il établit une hiérarchie entre les groupes humains. D’un point de vue biologique, il n’est pas question de hiérarchie mais de diversité des groupes humains et des individus. D’un point de vue culturel aussi. Une diversité qui fait la force d’une espèce et sa capacité à s’adapter à son environnement …

A.DEBROISE, Pourquoi la génétique conteste-t-elle l’idée de race ?, Science & Vie, Février 2008, n°1085, p.110, 3,95 €.

Voir aussi : Les races, c’est naturel