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Publié : 5 février 2008
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« Jacques Lacan a vu Françoise Dolto faire du trampoline »

Extraits d’un entretien d’Hubert Minard avec Jacques Lacan par Hélène Delavault , cantatrice.

Dessin de couverture : Ricardo Mosner

HUBERT MINARD : Dans son ouvrage Quel sport choisir pour votre enfant ? ou le Complexe de l’araignée, Françoise Dolto mentionne sa rencontre avec vous dans un club de trampoline. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
JACQUES LACAN : En effet, j’ai brièvement partagé avec Françoise Dolto (je pense que c’est sans doute la seule chose que j’aie partagée avec elle) le trampoline de Mlle Dubecq. J’étais alors dans la deuxième topique de mon existence, d’où l’on peut inférer que ce n’était ni la première ni la troisième, si tant est que l’on puisse considérer que la deuxième se situe nécessairement dans un rapport temporel qui exclurait la simultanéité sémantique dans l’espace mental de l’être-étant.
H. M. : Vous étiez donc préadolescent ou adolescent ?
J. L. : Vous pouvez l’interpréter ainsi si vous le désirez, si tant est que l’adolescence soit la période du « pré », où les jeunes gens aiment à s’ébattre, surtout au mois de juillet où ils ne sont pas encore fauchés (je parle des prés et des jeunes gens).
H. M. : Qu’est-ce qui vous a le plus frappé chez elle ?
J. L. : C’est elle qui s’est frappé la tête entre deux oreillers du plafond.
H. M. : Elle avait trop rebondi.
J. L. : Je ne sais pas si on peut accoler l’adverbe « trop » au préfixe « re ». Dans le premier cas, on est dans l’espace lexical du jugement de valeur, qui n’est pas le problème de la psychanalyse, et dans l’autre, on est dans celui de la réitération de l’acte, qui est de l’ordre de la simple constatation spatio-temporelle.
H. M. : Mais enfin, elle raconte qu’elle s’est méchamment cognée, puisqu’elle s’est retrouvée à l’hôpital.
J. L. : Je constate que vous ne pouvez pas vous empêcher, avec l’utilisation d’un adverbe à connotation morale, de vous positionner dans la continuité d’une pensée judéo-chrétienne dont la con-tinuité justement fait problème.
H. M. : Est-ce qu’on peut dire que cette expérience a eu une influence sur le développement de votre pensée ?
J. L. : Il m’est arrivé d’y repenser.
H. M. : Pouvez-vous préciser ?
J. L. : Elle avait une jupe bleue.
H. M. : Oui ? ..
J. L. : Ses jambes étaient très blanches.
H. M. : Oui ? ..
J. L. : Elle est redescendue très lentement… comme Mary Poppins … L’origine … l’origine du monde …

Hélène DELAVAULT , cantatrice, « Jacques Lacan a vu Françoise Dolto faire du trampoline », Extraits d’un entretien, Le Dictionnaire Des Papous dans la tête, Gallimard / France Culture, 2007, p. 241, 20 €.

À retrouver sur France Culture : Des Papous dans la tête, le dimanche de 12h45 à 13h58 et sur franceculture.com.