Ôªø Sornettes - La fin des beaux jours

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Publié : 8 février 2008
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La fin des beaux jours

Denis Kessler, ex-mao passé au capitalisme financier, ancienne éminence grise du baron Seillière lorsque celui-ci pilotait le Medef, lâchait cette mâle déclaration de guerre : « Il faut défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance. »

Kessler s’en réjouissait : au fond, les différentes réformes engagées par Sarkozy, disait-il, «  peuvent donner une impression de patchwork », mais « on constate qu’il y a une profonde unité à ce programme ambitieux » : défaire ce qu’ont fait les résistants, justement. Cette provoc’ avait fait quelques vagues, sans plus.

Et puis la semaine dernière, Charles Beigbeder a remis ça. Dans une tribune au « JDD » (27/1/08), le pédégé de Poweo a affirmé, l’air de rien, que selon lui le rapport Attali permettrait enfin d’en finir avec cette France « qui continue à vivre sur un modèle fondé en 1946, à partir du programme du Conseil national de la Résistance ». Tiens, tiens. Lui et Kessler, même combat. Charles Beigbeder, le prototype du jeune loup moderne. (…)

Conseil national de la Résistance

Il avait un beau titre, le programme des résistants : « Les jours heureux ». On comprend qu’il faille en finir d’urgence. Il était le résultat d’un compromis né entre tous les mouvements de résistance luttant contre l’occupant et les principaux partis politiques, dont le PC [1]. On comprend que cela paraisse aujourd’hui insupportable. Il affichait de hautes ambitions. Entre autres, «  la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ; un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat ; une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ».

Insupportable, non ? On y trouvait d’autres projets complètement fous. Les résistants rêvaient que les enfants français puissent « bénéficier de l’instruction et accéder à la culture la plus développée, quelle que soit la situation de fortune de leurs parents ». Affreusement égalitariste !

Ils voulaient aussi que soit assurée « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’Etat, des puissances d’argent ». On comprend que ça énerve. Et aussi « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». Complètement ringard, non ?

On remercie MM. Kessler et Beigbeder de nous avoir annoncé franchement la fin des beaux jours (…).

Jean-Luc Porquet , À bas les jours heureux !, Le Canard enchaîné, 6 février 2008, p. 5, 1,20 €.

Notes

[1] absence du patronat aux négociations, pour collaboration active avec l’ennemi.