Ôªø Sornettes - Manifeste d'économistes atterrés

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Publié : 6 mars 2011
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Manifeste d’économistes atterrés

[…] Les économistes doivent assumer leurs responsabilités vis à vis de la société. La plupart des « experts » qui interviennent dans le débat public le font pour justifier l’actuelle soumission des politiques économiques aux exigences des marchés financiers. Car les hypothèses majeures qui sous-tendent ces politiques sont celles de l’efficience des marchés financiers et du poids excessif de l’État.

Editions Les liens qui libèrent, 2010

Cette double hypothèse s’est définitivement effondrée avec la crise bancaire et financière en 2007 et 2008. À l’instar de celles qui l’ont précédée, cette grande crise exige une refondation de la pensée économique. Nombre de chercheurs ont entrepris de travailler dans cette direction. C’est pour favoriser ces nécessaires remises en cause que nous avons rédigé ce « manifeste d’économistes atterrés ». […]

[Extraits :]

FAUSSE ÉVIDENCE N° 6 : LA DETTE PUBLIQUE REPORTE LE PRIX DE NOS EXCÈS SUR NOS PETITS-ENFANTS

Il est une autre affirmation fallacieuse qui confond économie ménagère et macroéconomie, celle selon laquelle la dette publique serait un transfert de richesse au détriment des générations futures. La dette publique est bien un mécanisme de transfert de richesses, mais c’est surtout des contribuables ordinaires vers les rentiers.

En effet, se fondant sur la croyance rarement vérifiée selon laquelle baisser les impôts stimulerait la croissance et accroîtrait in fine les recettes publiques, les États européens ont depuis 1980 imité les USA dans une politique de moins-disant fiscal systématique. Les réductions d’impôt et de cotisations se sont multipliées (sur les bénéfices des sociétés, sur le revenu des particuliers les plus aisés, sur les patrimoines, sur les cotisations patronales … ), mais leur impact sur la croissance économique est resté très incertain. Ces politiques fiscales anti-redistributives ont donc aggravé à la fois, et de façon cumulative, les inégalités sociales et les déficits publics.

Ces politiques fiscales ont obligé les administrations publiques à s’endetter auprès des ménages aisés et des marchés financiers pour financer les déficits ainsi créés. C’est ce qu’on pourrait appeler « l’effet jackpot » : avec l’argent économisé sur leurs impôts, les riches ont pu acquérir les titres (porteurs d’intérêts) de la dette publique émise pour financer les déficits publics provoqués par les réductions d’impôts… Le service de la dette publique en France représente ainsi 40 milliards d’euros par an, presque autant que les recettes de l’impôt sur le revenu. Tour de force d’autant plus brillant qu’on a ensuite réussi à faire croire au public que la dette publique était la faute des fonctionnaires, des retraités et des malades.

L’accroissement de la dette publique en Europe ou aux USA n’est donc pas le résultat de politiques keynésiennes expansionnistes ou de politiques sociales dispendieuses mais bien plutôt d’une politique en faveur des couches privilégiées : les « dépenses fiscales » (baisses d’impôts et de cotisations) augmentent le revenu disponible de ceux qui en ont le moins besoin, qui du coup peuvent accroître encore davantage leurs placements notamment en bons du Trésor, lesquels sont rémunérés en intérêts par l’impôt prélevé sur tous les contribuables. Au total se met en place un mécanisme de redistribution à rebours, des classes populaires vers les classes aisées, via la dette publique dont la contrepartie est toujours de la rente privée.

Pour redresser de façon équitable les finances publiques en Europe et en France nous mettons en débat deux mesures :
Mesure n° 12 : redonner un caractère fortement redistributif à la fiscalité directe sur les revenus (suppression des niches, création de nouvelles tranches et augmentation des taux de l’impôt sur le revenu … ).
Mesure n° 13 : supprimer les exonérations consenties aux entreprises sans effets suffisants sur l’emploi.


Manifeste d’économistes attérrés, Les liens qui libèrent, 2010, 5,50 €.

Les Économistes Atterrés

Voir aussi Un système fiscal de plus en plus injuste , L’indispensable justice fiscale, selon un ancien PDG et Pour une révolution fiscale.