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Publié : 1er juillet 2007
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Le pigeon et la peinture

Edouard Launet, Au fond du labo à gauche et Marc Abrahams, Les Prix IgNOBEL, La Science qui fait rire… et réfléchir

Couverture : dessin Daniel Pudles

Un pigeon est capable de distinguer un Monet d’un Picasso. Un vrai pigeon, s’entend, avec des plumes et un bec. On le sait depuis qu’un chercheur japonais, Shigeru Watanabe, s’est donné la peine de mener l’expérience à l’université de Keio (« Pigeons discrimination of paintings by Monet and Picasso », Journal of the Experimental Analysis of Behavior,vol.63, p.165-174).

Ce n’est pas que le pigeon ait un oeil sûr et avisé (même s’il a une vision des couleurs bien plus développée que la nôtre). C’est surtout qu’il ne tient pas à crever de faim. Shigeru Watanabe et son équipe ont projeté à l’oiseau des diapos couleurs de quelque oeuvres des deux peintres. En tapant du bec sur une touche, le pigeon avait à manger, mais uniquement s’il y avait un Monet à l’écran. Avec Picasso, c’était ceinture. Le pigeon, guère suicidaire, a vite appris à ne pas se tromper. Puis le chercheur en sciences cognitives lui présenta de nouvelles toiles, inédites pour l’emplumé. Et là, du premier coup, notre oiseau sut quand piquer du bec, presque à chaque fois. Il avait appris à faire la différence entre impressionnisme et cubisme. (…) Pour certains, on inversa les rôles : Picasso miam, Monet beurk. Ça marchait encore, preuve que les pigeons n’ont aucun biais en matière picturale.

Et si on retournait les toiles tête en bas ? Pour les oiseaux, Picasso à l’endroit ou à l’envers, c’était kif-kif. Par contre, ils ne reconnaissaient plus du tout les Monet.

(…) Watanabe a continué en dressant ses bêtes à ne pas confondre Van Gogh et Chagall. (…) Près de 9 fois sur 10, les oiseaux surent picorer devant Van Gogh plutôt que devant Chagall.

(…) On en conclura que la matière grise d’un pigeon, laquelle tiendrait dans une noisette, est tout ce qu’il faut pour se guider dans un musée.

(…) Par la suite une équipe d’universitaires hollandais contesta cette conclusion dans un article tout aussi sérieux titré « What does a pigeon see in a Picasso ? », toujours dans le Journal of the Experimental Analysis of Behavior, vol.69, p.223-226. Ils notèrent qu’un pigeon exposé à du Delacroix hésitait entre impressionnisme et cubisme. Ça prouve bien qu’il n’y connaît rien du tout.

Edouard Launet, Au fond du labo à gauche, Œil de pigeon, Science ouverte, Seuil, 2004, p.19, 15 €.

Voir aussi : Marc Abrahams, Les Prix IgNOBEL, La Science qui fait rire… et réfléchir, Editions Danger Public, 2006, p.77, 14,50 €.

Voir aussi La musique bestiale, L’idéal féminin de la playmate et Les gourous de la Bourse.