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Publié : 7 janvier 2009

La Peur des barbares

Les auteurs de la violence dans les quartiers déshérités des grandes villes européennes se voient rapprochés des terroristes internationaux, eux aussi mus par leur seule identité culturelle et religieuse, donc par leur appartenance collective.

Nos actes ont des raisons, les leurs n’ont que des causes. « Afin de rester dans le cercle de la raison, ( … ) il nous faut à tout prix prêter des arguments aux tueurs », écrit Pascal Bruckner : en fait, donc, ils n’auraient pas d’arguments, seulement des pulsions meurtriéres qui les agissent à leur insu. Elie Barnavi ajoute : « Ce terrorisme-ci, nous ne le comprenons pas, il nous est radicalement étranger. »

La formule devait être retournée : c’est parce que nous postulons au préalable que ces êtres-là nous sont radicalement étrangers - nous libres, rationnels, pleinement humains, eux déterminés, irrationnels, donc incomplètement humains - que nous ne parvenons pas à les comprendre. ( .. .)

On n’a pas besoin d’évoquer l’islam ou le choc des civilisations pour expliquer pourquoi les Afghans ou les Irakiens résistent aux forces militaires sur leur territoire. Ni de parler d’antijudaisme ou d’antisémitisme pour comprendre les raisons des Palestiniens de ne pas se réjouir de l’occupation israèlienne de leurs terres. Ni de citer les versets du Coran pour donner un sens aux réactions des Libanais qui, en 2006, résistaient à la destruction des infrastructures de leur pays.

Tzvetan TODOROV, La Peur des barbares. Au-delà du choc des civilisations, Robert Laffont, Paris, 2008, 311 pages, p. 146-147, 20 €.
Cité par Alain Gresh, La mémoire refoulée de l’Occident , Le Monde diplomatique, N° 658, Janvier 2009, p. 22, 4,50 €.