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Publié : 13 octobre 2006
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L’amour ça rend vraiment TOC TOC

Marc Abrahams, Les prix IgNobel

Couverture : dessin Zag

(…) Des centaines, des milliers peut-être, de chansons, de poèmes, de romans ou de films, s’attachent à explorer les liens unissant l’obsession, la compulsion et la passion amoureuse. Mais on doit à Donatella Marazziti, Alessandra Rossi, Giovanni B. Cassano de l’Université de Pise (Italie) et Hagop S. Akiskal de l’Université de San Diego (Californie), d’avoir, pour la première fois, entrepris l’étude de cette délicate question, à la lueur de la biochimie.

Comme tous les bons chercheurs, les docteurs Marazziti, Rossi, Cassano et Akiskal abordent cette étude de manière systématique. Aussi commencent-ils par une touchante déclaration d’intention : « L’état amoureux étant un phénomène naturel, entraînant d’évidentes implications sur le plan de l’évolution, il nous a paru raisonnable d’examiner l’hypothèse selon laquelle il découlerait d’un processus biologique bien connu. » Et ils poursuivent : « A cet effet, nous étudierons la relation unissant la sérotonine (5-HT), l’état amoureux et les Troubles Obsessionnels Compulsifs. (= TOC) »

Avant de commencer, procédons à un bref rappel technique. L’élément incriminé, la sérotonine, agit comme un régulateur de toutes sortes de comportements, tels que l’appétit, le sommeil, l’excitation et la dépression. Dans un bel esprit simplificateur, les docteurs Marazziti, Rossi, Cassano et Akiskal ramenèrent tout ce champ obscur de l’affection-obsession-compulsion à deux questions simples :

- L’amour laisse-t-il des traces dans le sang humain ?

- Et si oui, ces marques sont-elles semblables à celles des patients atteints de TOC ?

En effet, ils savaient déjà que ce monstre à deux têtes, l’obsession-compulsion, se retrouve dans le sang où il peut être aisément mesuré (taux de sérotonine très différent de la normale).

Dès lors, leur recherche était claire : ils étudieraient en parallèle des patients affligés de TOC, des amoureux souffrant des affres de la tendre passion (et un échantillon de gens « normaux »). (…) Ils choisirent d’examiner vingt patients de chaque sorte. Aucune difficulté pour trouver les vingt malades de TOC, ou les vingt personnes banales. Mais, en l’absence de définition scientifique de la « passion romantique », la recherche des vingt amoureux nécessita un minimum de doigté. Vingt sujets (dix-sept femmes et troîs- hommes, âgés en moyenne de 24 ans) étant récemment tombés amoureux furent recrutés par petites annonces à partir d’un panel d’étudiants en médecine. Ils furent sélectionnés selon les critères suivants :

- Leurs relations amoureuses avaient débuté au cours des six mois précédents.

- Le couple n’avait eu aucune relation sexuelle. « Certains considèrent la relation sexuelle comme une composante nécessaire de l’amour. Mais nous n’y croyons pas, préférant suivre Stendhal qui décrivait l’amour comme une passion inassouvie. Cet aspect met d’autant mieux en relief la préoccupation obsessionnelle, si caractéristique des premiers feux de la passion (et qui, en de rares occasions, persiste toute la vie sous une forme abstraite, idéalisée, inspiratrice des musiques et des poèmes dédiés à l’être cher). »

- Chacun passait un minimum de quatre heures par jour à rêver à son galant.

Les analyses sanguines fournirent des résultats que les quatre docteurs s’accordent à reconnaître comme étonnamment clairs : « Les niveaux sanguins des sujets tendrement épris et de ceux souffrants de TOC semblent suggérer une certaine similitude entre ces deux états. Cela montrerait que le fait d’être amoureux induit, au sens propre, un état anormal. D’ailleurs ceci est déjà suggéré par de nombreuses expressions courantes que l’on retrouve de tous temps, en tous lieux, et qui font allusion au fait d’être « follement » amoureux ou de souffrir de « maladie d’amour ». » (…)

Pour avoir su conjuguer la chimie de l’amour et l’amour de la chimie, les docteurs Donatella Marazziti, Alessandra Rossi, Giovanni B. Cassano et Hagop S. Akiskal, ont été honorés du Prix IgNobel 2000 de Chimie.

Extrait de Marc Abrahams, Les prix IgNobel, Editions Danger Public, 2006, p.117, 14,50 €.