Ôªø Sornettes - Erotisme

Sornettes

Vous êtes ici : Accueil du site > Humour > Erotisme
Publié : 3 juillet 2006
Version imprimable de cet article Version imprimable
Format PDF Enregistrer au format PDF

Erotisme

Philippe Delerm, Enregistrements pirates

Philippe Delerm

C’est une zone intermédiaire, dont la révélation ne devrait rien avoir en soi de bouleversant : un bout de dos, quand elles se penchent et que le tee-shirt se relève en haut du jean. Rien a voir avec l’accroupissement des hommes que la moindre tâche matérielle - changement de roue, desserrage d’un siphon - dénude naïvement, faisant apparaître la commissure des fesses avec une fossette pouponnesque. Chez elles c’est toujours plus bas, plus loin. L’enjeu peut venir de la jupe, du croisement des jambes, et peu importe la longueur de l’étoffe au-dessus des genoux. Ce qui compte n’est pas la partie découverte mais l’idée, exaspérée par le crissement du collant quand elles rectifient la position, croisent moins haut, ou tirent légèrement le bord de la jupe. Elles savent alors qu’elles donnent quelque chose et rien. Rien. La moindre plage d’été livrera bien davantage - en apparence. Car tout est dans le jeu des regards posés sur elles, qu’ils soient gênés, furtifs ou appuyés, et plus encore peut-être dans leurs propres regards, faussement détachés, faussement ailleurs, parfaitement conscients des marges abandonnées.

Une épaule quelques secondes délaissée par une bretelle flottante, l’entrecroisement rapide de deux jambes : des zones très peu franches où les tensions se cristallisent. C’était autrefoîs la vue d’une cheville à la descente d’un tilbury, et c’était moins et plus. Peu importent l’époque et la nature du vêtement. On est toujours sous la menace de l’ourlet.

Extrait de Philippe Delerm, Enregistrements pirates, C’est là que ça se passe, Collection Folio (N° 4454) (2006), Gallimard, 5 €.

Voir aussi Nous avons « fait » Venise, Tu as vu son maillot ? et Qui est la mère, qui est la fille !