Ôªø Sornettes - La conscience de la mort chez les animaux

Sornettes

Vous êtes ici : Accueil du site > Connaissance > La conscience de la mort chez les animaux
Publié : 14 septembre 2006
Version imprimable de cet article Version imprimable
Format PDF Enregistrer au format PDF

La conscience de la mort chez les animaux

Emmanuelle Grundmann, éco-anthropologie et ethnobiologie, Muséum national d’histoire naturelle

Des études sur les grands singes montrent de manière quasi indéniable que certains primates ont une conscience de la perte, de la mort de l’un des leurs. Les observations les plus déconcertantes viennent des chimpanzés. A Bossou, en République de Guinée, une épidémie a décimé une partie de la colonie entre 2003 et 2004. Plusieurs semaines durant, les femelles ont continué à porter leur jeune décédé dont le corps s’était même, dans certain cas, momifié. Lorsqu’un chimpanzé adulte meurt, les autres se rassemblent autour de la dépouille, le touchent et l’observent. Jane Goodall raconte comment, en Tanzanie, en 1972, un singe âgé de 8 ans, Flint, s’est allongé près de la dépouille de sa mère en vocalisant et en la touchant inlassablement. Il cessa alors de s’alimenter. Quelques semaines plus tard, Flint fut retrouvé mort : il semblerait qu’il se soit laissé mourir.

Des observations encore plus troublantes viennent des éléphants d’Afrique, étudiés notamment au Kenya par Cynthia Moss en 1976. A la mort de l’une des femelles du groupe, les autres éléphants sont restés longuement autour du cadavre, le touchant délicatement avec leur trompe et leurs pieds. Ils ont ensuite gratté la terre et en ont parsemé le cadavre à l’aide de leur trompe. Certains sont partis dans les buissons avoisinants afin de casser des branches qu’ils ont déposées sur la dépouille. A la nuit tombée, le corps de l’éléphante était recouvert de terre et de branchages. Tout le groupe est resté comme pour veiller la disparue. Ce n’est qu’à l’aube qu’il s’est éloigné. Etrangement, c’est la mère de la morte qui est partie en dernier.

Des cas similaires sont légion et, bien qu’on ne puisse pas parler de véritable enterrement, nous pouvons légitimement penser que la mort chez certaines espèces entraîne une ritualisation, similaire par divers aspects au cérémonial pratiqué par une grande partie de la population humaine.

Emmanuelle Grundmann, éco-anthropologie et ethnobiologie, Muséum national d’histoire naturelle, dans La Recherche, n°378, septembre 2004, p.77.