Ôªø Sornettes - Où hivernent les hirondelles ?

Sornettes

Vous êtes ici : Accueil du site > Énergie et climat > Où hivernent les hirondelles ?
Publié : 28 septembre 2008
Version imprimable de cet article Version imprimable
Format PDF Enregistrer au format PDF

Où hivernent les hirondelles ?

Voyageur au long cours, ce petit passereau effectue chaque année l’aller-retour entre l’Europe où il niche, et l’Afrique où il hiverne.

Photo Cyril Ruoso

Curieuse disparition

Que l’hirondelle disparaisse aux portes de l’automne et revienne au printemps a depuis longtemps suscité maintes interrogations. S’enfouissait-elle au fond des lacs et étangs pour passer l’hiver comme le pensait une partie de la communauté scientifique du XVIIIe siècle ? Ou bien, comme l’affirmait Buffon dans son Histoire naturelle des oiseaux, migraient-elles vers des contrées plus propices ?

Au XVIIIe siècle, le moine italien Spallanzani et l’Allemand Frisch eurent l’idée de repérer les hirondelles en leur attachant des fils de couleurs aux pattes, prélude aux procédés de marquages modernes. Au début du XXe siècle, on dota les petits volatiles de bagues métalliques numérotées. Les premiers retours de bagues parvinrent aux muséums européens à partir de 1960. Venant d’Afrique, elles prouvaient qu’en hiver, les hirondelles ne se cachaient pas mais migraient, comme le pensait Buffon. Cependant, jusqu’au début des années 1990, on ne savait toujours pas avec précision dans quelles régions certaines populations d’hirondelles, notamment italiennes ou françaises, établissaient leurs quartiers d’hiver. Cela a changé en 1992 quand l’ornithologue italien Pierfrancesco Micheloni, de l’Istituto Nazionale per la Fauna Selvatica, décida de lancer une vaste campagne de baguage en Italie à côté du parc national du delta du Pô. De 400 hirondelles baguées annuellement il passa à plus de 50 000 ! Trois ans plus tard, une centaine de bagues revinrent par la poste, en provenance du Nigeria. L’envoi émanait d’une expédition anglo-germanique menée par Gerhard Nikolaus. Elle avait découvert de nombreuses bagues italiennes dans le petit village d’Ebakken où les oiseaux étaient massivement chassés pour être consommés. Gardées comme trophées, elles ornaient le cou du chef du village et de nombreux enfants.

Photo Cyril Ruoso © LÉGENDES CARTOGRAPHIE

Hivernage au Nigeria

Depuis 1996 et la découverte de ce dortoir majeur abritant près de 4 millions d’hirondelles, Pierfrancesco Micheloni se rend à Ebakken. Il y a bagué plus de 40 000 individus afin de mieux connaître leur route migratoire de printemps. Et a découvert en 2007 un deuxième dortoir de taille équivalente dans des étendues de graminées géantes. Il se situe dans la même zone, d’où l’importance de cette région et de ce type d’habitat pour l’hivernage des hirondelles.

Ces baguages de grande ampleur ont permis de préciser les routes empruntées par les hirondelles. À l’automne, beaucoup suivent les côtes et empruntent les détroits pour parvenir en Afrique. Celles qui nichent en Italie ou en France hivernent au sud du Sahel, tandis que celles des pays plus nordiques continuent leur route jusqu’en Afrique du Sud.

Au printemps, les hirondelles, pressées d’arriver en Europe sur leurs aires de nidification, traversent deux barrières écologiques majeures, le Sahara et la Méditerranée. Elles doivent donc se nourrir abondamment juste avant le départ. Or leur alimentation dépend des conditions climatiques et surtout de pluviométrie dans les zones d’hivernage africaines. (…) C’est aussi ce qu’a remarqué au Nigeria Pierfrancesco Micheloni. Depuis quelques années, la saison des pluies y est retardée. Or sans pluie, les termites, nourriture essentielle des hirondelles, n’essaiment plus. Les hirondelles italiennes qui y séjournent doivent se rabattre sur d’autres insectes plus difficiles à capturer et moins abondants. Elles mettent ainsi plus de temps à faire leurs réserves énergétiques, ce qui retarde leur départ vers l’Europe. Au contraire, les hirondelles arrivent plus tôt en Grande-Bretagne, en Scandinavie ou en Pologne, car sur les terres sud-africaines où elles ont élu domicile pour l’hiver, les précipitations ont été particulièrement abondantes ces dernières années. Les oiseaux ont ainsi fait le plein d’énergie et ont changé de plumage en moins de temps qu’habituellement.

Menaces agricoles

Parallèlement à ces changements phénotypiques et de dates de migration, les scientifiques ont également noté un lent déclin des effectifs en France et en Europe. Hormis lors de l’année 2004 qui a vu une augmentation des effectifs français, la population d’hirondelles est globalement en déclin depuis les années 1970-1980, avec une chute de près de 30 % en France et 20 % en Europe. Mais si le réchauffement climatique influe sur ce déclin, la cause principale est la modification des pratiques des agriculteurs - notamment l’usage massif de pesticides rendant de nombreux insectes toxiques à la consommation pour les hirondelles - et des éleveurs. La transformation des étables d’antan en vastes hangars empêche de plus en plus les hirondelles de nicher.

Si l’hirondelle n’est pas encore sur le fil de l’extinction, il suffirait de peu de chose pour que la situation bascule. Face aux nombreuses menaces d’origine humaine, les hirondelles pourraient bien cesser de nous amener le printemps .

Emmanuelle GRUNDMANN, Les hirondelles ne font plus le printemps, La Recherche, N° 422, Septembre 2008, p. 64, 6 €.