Ôªø Sornettes - La fin de l’espèce humaine

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Publié : 30 mars 2009
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La fin de l’espèce humaine

Dans notre société, la mort est refusée. On brandit la mort douloureuse comme un épouvantail, avec l’idée que si l’on ne fait rien de mal, comme fumer, boire, manger, on ne mourra pas.

Paul Klee, La Mort et le feu, 1940.

Mais tout le monde va mourir et ce, quelle que soit la manière dont sa vie sera menée. Je crains que les humains ne soient éternellement malheureux à cause de l’idée véhiculée que la mort est une sanction. Une attitude moins refoulée rendrait la vie plus gaie et les gens pourraient choisir ce qui leur fait du bien, même s’ils savent que cela augmente la probabilité de telle ou telle mort. Je citerai un proverbe chinois : « Il vaut mieux ajouter de la vie aux années que des années à la vie. »

La fin de l’espèce humaine

Je pense que l’espèce humaine n’a plus que quelques milliers d’années à vivre. Car elle souffre d’une tare originelle : la conscience de sa propre mort, ce qui est insupportable. De ce fait, les humains sont incapables d’actions durablement raisonnables. Et aujourd’hui, ils ont acquis les moyens suffisants pour provoquer leur propre extinction. Le XXe siècle a démenti le mythe du progrès qui voulait que la science, via l’émergence des techniques, améliore le confort humain, autorisant dès lors l’élévation de l’esprit. Quand j’ai passé mon bac, en 1970, il y avait de l’espoir et j’imaginais alors que la science était un facteur de progrès réel. En fait, une fois qu’ils ont tout, les individus se créent d’autres besoins matériels. Il semblerait qu’il n’y ait pas de moment où les humains décident d’arrêter d’exploiter tout ce qui est autour d’eux. Du coup, ils engendrent les conditions d’une non-durabilité durable. Mais je ne sais pas comment les humains vont disparaître. Le scénario optimiste : ils deviendraient assez riches pour ne plus faire d’enfants que par désir et descendraient au-dessous de la barre de deux enfants par femme, ce qui conduirait l’espèce vers l’extinction, sans souffrance pour les individus. Le scénario pessimiste : les conditions écologiques ne permettraient plus l’existence de cette espèce.

Pierre-Henri Gouyon [1], Rubrique : nos 3 questions à…, Science & Vie, N° 1099, Avril 2009, p. 142, 4,20 €.

« Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui. » Claude LÉVI-STRAUSS, anthropologue, ethnologue et philosophe français (né en 1908).

Notes

[1] Pierre-Henri Gouyon est généticien, professeur à l’École polytechnique et au Muséum d’histoire naturelle de Paris, membre du comité d’éthique de l’inserm.