Ôªø Sornettes - Climat : les dix signaux d'alerte

Sornettes

Vous êtes ici : Accueil du site > Énergie et climat > Climat : les dix signaux d’alerte
Publié : 24 janvier 2010
Version imprimable de cet article Version imprimable
Format PDF Enregistrer au format PDF

Climat : les dix signaux d’alerte

« Science & avenir » a recensé les études marquantes de ces dernières années sur le réchauffement climatique et pointé les principaux signaux d’alerte montrant, sans contestation possible, la réalité du phénomène.

N° 754, décembre 2009, 4 €.

L’océan s’acidifie, le plancton maigrit

L’alerte a été donnée, dès juin 2008, à 7,5 km des côtes californiennes : l’eau y était assez acide pour dissoudre les coquilles de palourdes ou les squelettes des coraux [1]. Or, selon les modèles climatiques, ce phénomène ne devait pas être observé avant la fin du siècle [2] ! En se dissolvant, le CO2 fait baisser le pH de l’eau et réduit la disponibilité des ions de carbonate. Depuis, on a observé une disparition de 30 % des moules dans le Pacifique [3], des défauts de fixation du calcium par le corail dans la Caraïbe [1] et en Australie [4]. En mars, une étude a montré que dans les eaux australes, la masse squelettique du plancton foraminifère a baissé de 30 % depuis l’ère industrielle [5].

L’Arctique entre en débâcle

La banquise d’été a fondu de 27 % entre 1982 et 2007 [6]. Les températures ont augmenté de 3 °C entre 2004 et 2008 et jusqu’à 5 °C dans les endroits où la glace a le plus reculé [7]. On observe en direct le phénomène d’amplification prédit par les modèles : plus les glaces de mer rétrécissent, plus une vaste surface d’océan est exposée aux rayons solaires. Réchauffé, il favorise à son tour la fonte des glaces. Autre phénomène en accélération : les glaces terrestres se disloquent, s’écoulent vers les côtes et font peu à peu monter le niveau de la mer [8].

L’Antarctique s’adoucit

L’ensemble du continent blanc se réchauffe [8] à l’instar du reste du globe, et non sa seule partie occidentale, contrairement à ce que pensaient certains chercheurs. Si la péninsule ouest se disloque déjà, c’est qu’elle est exposée à un changement de circulation atmosphérique tandis que la glace de mer rétrécit [8]. Des relevés de terrain et des données satellites montrent que la température moyenne de l’ensemble de l’Antarctique a augmenté de 0,5 °C depuis 1957 [9].

L’Amazonie s’assèche et libère du carbone

Au terme de vingt-cinq ans d’observations, la forêt tropicale humide se révèle très sensible à la sécheresse. L’aridité exceptionnelle de 2005, liée à un réchauffement de l’Atlantique Nord, a même fait basculer ce puits naturel de carbone qui absorbe un milliard de tonnes de carbone par an [10] en émetteur net de CO2 ,selon une étude internationale de mars dernier [11]. Elle a en effet accéléré la mortalité des arbres qui ont libéré des gaz à effet de serre en se décomposant. Autre observation, menée de 1881 à 1990 sur des arbres eurasiens : plus l’atmosphère est riche en CO2 moins les arbres transpirent [12] et moins ils déclenchent de pluie.

L’avancée des saisons bouleverse les migrations

Le printemps en Europe débute six à huit jours plus tôt qu’il y a trente ans, atteste l’observation de 550 espèces de plantes sauvages, et cultivées dans 17 pays européens [13]. Sur 122 espèces d’oiseaux étudiées (l’ Europe en compte 526), 75 % ont des effectifs en déclin et voient se réduire leurs aires potentielles d’habitat [14]. Elles s’installent plus au nord ou migrent en altitude. Le long de l’Atlantique, les huîtres sauvages migrent aussi vers le nord [15].

La sécheresse s’aggrave

La mousson se raréfie [16], les précipitations diminuent [17]. La sécheresse qui dévore le Sahel depuis les années 1960 sévit dans des zones plus humides, au sud, gagnant l’Afrique de l’Ouest jusqu’à la forêt tropicale qui borde le golfe de Guinée [17]. La déforestation est désignée comme la première responsable mais le réchauffèment aggrave les problèmes.

Du méthane s’échappe de l’océan

En septembre 2008, le navire russe Jacob Smirnitskyi [18] a vu bouillonner les mers de Laptev et de Sibérie orientale sous l’effet de bulles de gaz. Du jamais vu depuis les campagnes de mesure lancées en 1994, même si les « points chauds » se multipliaient depuis 2003 [19]. Des concentrations de méthane 100 à 200 fois supérieures à la valeur attendue ont été relevées le long de la côte russe. La couche sous-marine du pergélisol agit d’ordinaire comme un couvercle sur le gaz, présent dans les sédiments océaniques sous forme d’hydrate de méthane. Mais le pergélisol terrestre fond et les cours d’eaux sibériens rejettent de plus en plus d’eau « chaude » dans l’Arctique [8].

La fonte des glaciers s’accélère

La fonte des glaciers, enclenchée depuis la fin du petit âge glaciaire, il ya deux siècles, s’accélère en Himalaya : entre 1999 et 2004, les glaciers ont perdu 0,85 m d’épaisseur en moyenne tous les ans [20]. Sur le plateau tibétain, le taux de recul de certains glaciers [21] est désormais le même que pour le glacier Quelccaya (Pérou), le plus grand en zone tropicale [22]. Une quarantaine de lacs glaciaires sont menacés de rupture au Népal et au Bhoutan [23].

La mer monte de plus en plus vite

Entre 1993 et 2007, le niveau moyen global de la mer s’est élevé d’environ 3 mm/an alors que sur l’ensemble du XXe siècle, cette hausse n’avait pas dépassé 1,8 mm/an. Ces mesures ne sont qu’une moyenne globale, l’élévation n’est, pas uniforme. On observe des dérives régionales : dans l’océan Pacifique (comme en Méditerranée), le niveau monte jusqu’à 20 millimètres par an [24].

www.yfolire.net/img/ sais/natur/salinite.jpg

La salinité baisse

La salinité des eaux profondes autour de l’Antarctique a diminué par rapport aux mesures des années 1970 et 1990. En particulier au sud du continent, dans la mer de Ross et dans l’océan Indien, jusqu’en terre Adélie. C’est un indice de modification des courants marins. Il pourrait s’agir d’une variation naturelle ou d’une réponse, déjà, à la fonte accrue des glaces antarctiques, qui apportent leur lot d’eau douce. C’est l’un des points à surveiller de très près [25].

Rachel MULOT avec Maryse GUEZ, Climat : les dix signaux d’alerte, Science & avenir, N° 754, décembre 2009, 4 €.

Voir Cécile BONNEAU, Yves SCIAMA, Le réchauffement est-il sûr ?, Science & Vie, N° 1110, Mars 2010, p. 40, 4,20 €.

Voir aussi Le réchauffement climatique et Quelques idées reçues sur le réchauffement climatique.

Notes

[1] NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration)

[2] Inra, Cirad, Université de Toulouse.

[3] Université de Chicago.

[4] Gouvernement australien.

[5] Université de Tasmanie.

[6] Université d’Alaska.

[7] Université du Colorado.

[8] Année polaire internationale, à paraître.

[9] Université Columbia et université de Washington.

[10] Université de Leeds.

[11] Réseau Rainfor, réseau pour l’inventaire des forêts amazoniennes.

[12] Institut fédéral de recherche Suisse, Viligen.

[13] Université de Munich.

[14] Muséum national d’histoire naturelle de Paris et Université de Durham.

[15] Institut universitaire européen de la mer.

[16] Analyse multidisciplinaire de la mousson africaine.

[17] IRD (Institut de recherche pour le développement).

[18] International Arctic Research et Université d’Alaska, à paraître.

[19] Académie russe des sciences.

[20] IRD et CNRS.

[21] Université des géosciences de Pékin.

[22] United States Geological Survey.

[23] PNUE (Programme des Nations Unies pour l’environnement).

[24] CNRS/Topex Poséidon (satellite océanographique).

[25] CSIRO (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organisation), API (Application Programming Interface), à paraître.