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Publié : 1er juillet 2007
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L’effet de serre

Jean-Marc Jancovici, L’avenir climatique, Quel temps ferons-nous ?

Hervé Le Treut, Jean-Marc Jancovici, L’effet de serre, Allons-nous changer le climat ?

Depuis un siècle déjà

Photo Bruno Picconi/Photonica

(…) la modification possible du climat par suite de l’utilisation des combustibles fossiles par l’homme est un phénomène connu depuis fort longtemps : plus d’un siècle nous sépare de cette découverte, par un chimiste suédois du nom de Svante Arrhenius, brillant esprit de son temps (il reçut le prix Nobel en 1903 pour des travaux liés à l’électrolyse). Il ne fut pourtant pas le premier à se pencher sur le sujet : avant lui Fourier avait déjà découvert le phénomène de l’effet de serre, et Tyndall et Pouillet avaient identifié les principales molécules qui en sont la cause, la vapeur d’eau et le gaz carbonique. Arrhenius sera toutefois le premier, en 1896, à prédire et quantifier une augmentation de la température moyenne de notre planète comme conséquence de l’utilisation industrielle des combustibles fossiles.

Avec pour seuls outils une feuille de papier et un crayon, Arrhenius avait fort bien estimé le réchauffement qui suivrait un doublement ou un quadruplement de la teneur en gaz carbonique de l’atmosphère. Il avait également perçu les grandes lignes de l’évolution régionale des températures, et compris qu’une augmentation globale de la température engendrerait une augmentation globale des précipitations. Mais, à la différence de nos contemporains, Arrhenius y voyait une fort bonne nouvelle. À son idée, en contrecarrant la survenue d’une inéluctable glaciation à venir (c’est au xixe siècle que fut découverte l’existence de glaciations plus ou moins périodiques dans le passé), ce réchauffement allait empêcher l’humanité de pâtir d’une forte baisse des températures assurément redoutable, voire fatale, pour les habitants des moyennes latitudes. (…)

Le discours a désormais bien changé : notre activité industrielle n’est pas une police d’assurance contre un futur coup de froid, disent ceux qui étudient la question, mais peut-être le point de départ de très gros ennuis.

Le système climatique

La Terre a ceci d’unique, parmi les planètes que nous connaissons, que l’eau y est disponible à sa surface sous ses trois phases, liquide, solide et vapeur, et cette caracteristique semble présente aussi loin que l’on sache remonter dans le temps, à l’échelle de centaines de millions, voire de milliards d’années. Malgré cette apparente stabilité, l’environnement global de notre planète constitue un ensemble complexe et fluctuant. Les océans, l’atmosphère, les grands glaciers, la banquise, la surface continentale interagissent continuellement à travers divers processus physiques, chimiques ou biologiques. C’est cet ensemble que l’on appelle « système climatique » et de son évolution dépend le climat, c’est-à-dire les conditions moyennes de température, de vent, de précipitations ou d’humidité auxquelles nous sommes confrontés, ainsi que leurs variations les plus régulières, tel le cycle des saisons. La notion de climat (définie à partir de statistiques sur une période longue, souvent de trente ans) se distingue ainsi très clairement de la notion de temps, qui recouvre les conditions atmosphériques d’une journée donnée. (…) Le mot climat fait d’ailleurs directement référence au rôle du Soleil. puisqu’il signifie en grec « inclinaison », en l’occurrence celle de l’axe des pôles sur le plan de I’orbite terrestre.

Pourquoi notre planète est-elle tempérée et qu’est-ce que l’effet de serre ?

Couverture : © Getty Images

Tout corps chaud émet de l’énergie sous forme de rayonnent électromagnétique, dont l’intensité et la longueur d’onde dépendent de la température du corps émetteur. Le rayonnement du Soleil représente la principale source de chauffage de notre planète (10% d’ultraviolets ; 40% de lumière visible ; 50% d’infrarouges « proches »). La Terre (15° C en moyenne, soit 288 Kelvin), quoique plus froide que le Soleil (6 000 degrés Kelvin) émet elle aussi un rayonnement électromagnétique (uniquement des infrarouges « lointains »). Pour atteindre un état d’équilibre, le rayonnement terrestre doit restituer une énergie égale à celle du rayonnement solaire absorbé, ce qui détermine la température de la Terre. En effet, la Terre doit ajuster sa température pour que son rayonnement propre, qui augmente avec cette dernière, équilibre l’énergie reçue. La chaleur dégagée par le centre de la Terre, qui résulte de la radioactivité naturelle, est très largement négligeable dans ce processus (0,01%). (…)

Tous les échanges d’énergie entre notre planète et l’espace passent par le filtre de l’atmosphère. Cette dernière constitue une enveloppe très mince dont l’essentiel de la masse se concentre sur une vingtaine de kilomètres d’épaisseur (le rayon de la Terre est de 6 400 km) et joue un rôle essentiel dans la distribution et la transformation de l’énergie reçue du Soleil. En particulier, l’atmosphère agit très différemment sur le rayonnement solaire et le rayonnement terrestre : alors qu’elle laisse entrer une grande part du premier, elle empêche de s’échapper une grande part du second. Cette différence est à l’origine de l’effet si particulier appelé : l’effet de serre, par analogie avec ce qui se passe dans une serre de jardinier, ou plus communément peut-être dans une voiture laissée au soleil. L’atmosphère est en effet comparable à un vitrage, transparent pour le rayonnement solaire visible, mais opaque pour le rayonnement infrarouge. La chaleur s’accumule alors dans les basses couches de l’atmosphère, un peu comme elle s’accumule à l’intérieur de la serre ou de la voiture.

Source : É. Bard, Collège de France, Paris 2003 Figure extraite de Frédéric Denhez, Atlas de la menace climatique, Editions Autrement, 2005, épuisé, p.29.

L’énergie solaire incidente vaut en moyenne 342 W/m2 au sommet de l’atmosphère. 30 % (107 W/m2) de cette énergie est directement réfléchie vers l’espace par les diverses couches de l’atmosphère, les nuages, l’air et les aérosols (26 % soit 77W/m2) et la surface de la Terre (4 % soit 30 W/m2). Le reste, soit deux gros tiers du rayonnement incident soit 168 W/m2, est absorbé par les divers composants de notre planète (sol, océans, atmosphère) puis transformé en chaleur. Ainsi chauffée, la surface de la Terre émet des infrarouges (390 W/m2). Les gaz à effet de serre interceptent 90 % de ce rayonnement terrestre (soit 350 W/m2), seule une petite partie s’échappant directement vers l’espace (40 W/m2). L’énergie interceptée va chauffer l’atmosphère, laquelle va rayonner des infrarouges dans toutes les directions, dont une large partie retourne au sol (324 W/m2) qui, dans cette affaire, reçoit donc deux fois de l’énergie : une fois par le rayonnement solaire, et une fois par le rayonnement de l’atmosphère, d’où l’élévation de température qui n’aurait pas lieu sans gaz à effet de serre. Une partie du transfert d’énergie du sol à l’atmosphère passe par le chauffage direct de l’air par le sol (24 W/m2 thermiques). L’évaporation des océans consomme de l’énergie appelée « chaleur latente » (78 W/m2). Comme pour tout corps isolé dans l’espace, notre planète recherche constamment un point d’équilibre où le rayonnement émis vers l’espace (107 + 235 W/m2) transporte une énergie égale à celle qu’elle reçoit du Soleil (342 W/m2).

L’effet de serre naturel est très fortement bénéfique pour la planète : en son absence, la température moyenne de la surtace serait de - 18° C, et non de +15° C. Cet effet si important est dû presque exclusivement à des gaz qui ne constituent qu’un très faible pourcentage (< 1 %) du volume de l’atmosphère : vapeur d’eau, dioxyde de carbone (CO2), ozone (O3), méthane (CH4), notamment. C’est cette dépendance absolument remarquable de notre atmosphère, vis-à-vis de composés minoritaires, qui la rend potentiellement très vulnérable aux effets de l’activité humaine. [1]

Extraits de Jean-Marc Jancovici, L’avenir climatique, Quel temps ferons-nous ?, Editions du Seuil, Points Sciences, 2002, p.13 et p.35, 8 €.

et de Hervé Le Treut, Jean-Marc Jancovici, L’effet de serre, Allons-nous changer le climat ?, Editions Flammarion, collection « Champs », 2004, p.13, 8,50 €.

Voir aussi : Le réchauffement climatique et Les modèles climatiques.

Notes

[1] Le danger qui est désigné par le terme « effet de serre » correspond à un abus de langage. Ce qui est dangereux n’est pas le phénomène lui-même, parfaitement naturel et essentiel à notre existence, mais sa modification rapide du fait de l’homme, modification qui elle est porteuse de graves dangers potentiels.