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Publié : 3 juillet 2007
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L’art de péter

Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut, L’art de péter, Essai théori-physique et méthodique à l’usage des personnes constipées, des personnes graves et austères, des dames mélancoliques et de tous ceux qui restent esclaves du préjugé, publié en 1751.

Définition du pet en géneral

Couverture : © Atelier Rezai-Guias-Vigne.

Le pet, que les Grecs nomment πορδή, les Latins, crepitus ventris, l’ancien Saxon, purten ou furten, le haut Allemand, Fartzen, et l’Anglais, fart, est un composé de vents qui sortent tantôt avec bruit, et tantôt sourdement et sans en faire.

(…) Le pet est donc, en général, un vent renfermé dans le bas-ventre, causé, comme les médecins le prétendent, par le débordement d’une pituite attiédie, qu’une chaleur faible atténuée et détachée sans la dissoudre ; ou produite, selon les paysans et le vulgaire, par l’usage de quelques ingrédients venteux ou d’aliments de même nature. On peut encore le définir comme un air comprimé, qui, cherchant à s’échapper, parcourt les parties internes du corps, et sort enfin avec précipitation quand il trouve une issue que la bienséance empêche de nommer.

Mais nous ne cachons rien ici ; cet être se manifeste par l’anus, soit par un éclat, soit sans éclat : tantôt la nature le chasse sans efforts, et tantôt l’on invoque le secours de l’art, qui, à l’aide de cette même nature, lui procure une naissance aisée, cause de la délectation, souvent même de la volupté. C’est ce qui a donné lieu au proverbe, « que pour vivre sain et longuement, il faut donner à son cul vent ». (…)

Quelques pets plaisants

Pets de province

Des gens expérimentés nous assurent que ces pets ne sont pas si falsifiés que ceux de Paris, où l’on raffine sur tout. On ne les sert pas avec tant d’étalage ; mais ils sont naturels et ont un petit goût salin, semblable à celui des huîtres vertes. Ils réveillent agréablement l’appétit.

Pets de ménage

Nous apprenons d’après les remarques d’une grande ménagère de Pétersbourg, que ces sortes de pets sont d’un goût excellent dans leur primeur et que quand ils sont chauds, on les croque avec plaisir ; mais que dès qu’ils sont rassis, ils perdent leur saveur et ressemblent aux pilules qu’on ne prend que pour le besoin.

Pets de pucelle

On écrit de l’île des Amazones, que les pets qu’on y fait sont d’un goût délicieux et fort recherché. On dit qu’il n’y a que dans ce pays où l’on en trouve ; mais on n’en croit rien. Toutefois on avoue qu’ils sont extrêmement rares.

Pets de demoiselles

Ce sont des mets exquis, surtout dans les grandes villes où on les prend pour du croquet à la fleur d’orange.

Pets de jeunes filles

Quand ils sont mûrs, ils ont un petit goùt de revas-y qui flatte les véritables connaisseurs.

Pets de femmes mariees

On aurait bien un long mémoire à transcrire sur ces pets ; mais on se contentera de la conclusion de l’auteur et l’on dira d’après lui « qu’ils n’ont de goût que pour les amants » et que « les maris n’en font pas d’ordinaire grand cas ».

Pets de bourgeoises

La bourgeoisie de Rouen et celle de Caen nous ont envoyé une longue adresse en forme de dissertation, sur la nature des pets de leurs femmes. (…). Nous dirons en général que le pet de bourgeoise est d’un assez bon fumet, lorsqu’il est bien dodu et proprement accommodé et que, faute d’autres, on peut très bien s’en contenter.

Pets de paysannes

Pour répondre à certains mauvais plaisants qui ont perdu de réputation les pets de paysannes, on écrit des environs d’Orléans qu’ils sont très beaux et très bien faits. Quoique accommodés à la villageoise, qu’ils sont encore de fort bon goût, et l’on assure les voyageurs que c’est un véritable morceau pour eux et qu’ils pourront les avaler en toute sûreté comme des gobets à la courte queue. Les bergères de la vallée de Tempé, en Thessalie, nous donnent avis que leurs pets ont le véritable fumet du pet, c’est-à-dire qu’ils sentent le sauvageon, parce qu’ils sont produits dans un terrain où il ne croît que des aromates, comme le serpolet, la marjolaine, et qu’elles entendent qu’on distingue leurs pets de ceux des autres bergères qui prennent naissance dans un terroir inculte. La marque distinctive qu’elles enseignent pour les reconnaître et n’y être pas trompé, c’est de faire ce que l’on fait aux lapins pour être sûrs qu’ils sont de garenne, flairer au moule.

Pets de vieilles

Le commerce de ces pets est si désagréable qu’on ne trouve point de marchand pour les négocier. On ne prétend pas pour cela empêcher personne d’y mettre le nez, le commerce est libre.

Pets de potiers de terres

Quoiqu’ils soient faits autour, ils n’en sont pas meilleurs ; ils sont sales, puants et tiennent aux doigts. On ne peut les toucher, crainte de s’emberner.

Pets de tailleurs

Ils sont de bonne taille et ont un goût de prunes, mais les noyaux en sont à craindre.

Pets de cocus

Il y en a de deux sortes. Les uns sont doux, affables, mous. Ce sont les pets des cocus volontaires : ils ne sont pas malfaisants. Les autres sont brusques, sans raison et furieux ; il faut s’en donner de garde. Ils ressemblent au limaçon, qui ne sort de sa coquille que les cornes les premières.

Extraits de Pierre-Thomas-Nicolas Hurtaut, L’art de péter, Essai théori-physique et méthodique à l’usage des personnes constipées, des personnes graves et austères, des dames mélancoliques et de tous ceux qui restent esclaves du préjugé, publié en 1751, Editions Payot & Rivages, Paris 2006, 10 €.

« Au plus eslevé throne du monde si ne sommes assis que sus nostre cul. Les Roys et les philosophes fientent, et les dames aussi. » Michel Eyquem de MONTAIGNE, écrivain français (1533 - 1592).

« Pet retenu fait un abcès au trou du cul. » Julos Beaucarne, artiste belge (né en 1936)