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Publié : 15 septembre 2006
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Ecole : égalité des chances ?

Louis Maurin, « Ecole : les beaux jours de l’inégalité des chances »

(…) Comme l’a montré Pierre Bourdieu dans les années 60, la proximité entre le milieu familial et l’univers de l’école est un atout essentiel. Plus on s’en éloigne et moins on a de chances d’aller loin. Pratiquer à la maison le même langage qu’à l’école, pouvoir bénéficier d’un soutien, avoir des loisirs culturels et pédagogiquement orientés, ça aide. Avoir des parents qui ont pratiqué l’école permet de mieux comprendre son fonctionnement. Pour pouvoir choisir la bonne filière, encore faut-il en connaître les exigences et d’abord…l’existence.

A cela s’ajoute l’impact des conditions de vie. Au cours de la période 1990-2000, 59 % des enfants qui ne disposaient pas d’une chambre pour eux seuls avaient au moins redoublé une fois à l’âge de 15 ans, contre moitié moins pour ceux qui avaient leur propre chambre. (…) Au collège et au lycée, les cours privés payants sont en plein boum. Acadomia, le leader dans ce domaine, a vu son chiffre d’affaires progresser de 56 % en 2003. Tarifs : 26,50 € de l’heure, que les familles non imposables paient au prix fort quand les autres peuvent en déduire la moitié de leurs impôts. (…) Quant aux bourses sur critères sociaux, leur montant les fait ressembler davantage à un alibi que la société se donne qu’à autre chose.

(…) Tous ces biais de la compétition scolaire peuvent conduire à renforcer l’auto-sélection : « A quoi bon, si le système n’est pas pour nous ? » (…) Pour partie (l’effet est renforcé chez les filles), les élèves d’origine modeste intériorisent leur destinée scolaire. Les enseignants contribuent parfois à accroître ce phénomène : (…) « Le conseil de classe a tendance à repêcher les enfants des familles les plus favorisées ou les mieux armées socialement pour résister aux avis de l’institution. »

(…) Dans une société où le diplôme conditionne toujours la place occupée dans l’univers professionnel, le système scolaire tend à légitimer les inégalités sociales en les faisant passer pour des inégalités de mérite purement individuelles.

(…) La nouvelle bourgeoisie intellectuelle française se satisfait de cette situation. Dans les ZEP, elle n’y met pas les pieds, et le collège unique dont elle souhaite l’abandon, elle l’a quitté depuis longtemps en choisissant les bons établissements. Elle est davantage passionnée par le maintien du « niveau », voire par la défense des langues mortes. (…) L’inégalité des chances a encore de l’avenir.

Extraits de Louis Maurin, Ecole : les beaux jours de l’inégalité des chances dans Alternatives Economiques, n°228, septembre 2004, p.56.