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Publié : 11 novembre 2008
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Sous la menace du niveau marin

Le photographe Alex MacLean signe un beau livre sur les conséquences environnementales du mode de vie américain. Ses clichés aériens de villes menacées par la montée du niveau de la mer sont particulièrement saisissants.

Treasure Island (Floride), Photo Alex MacLean

« La montée du niveau des mers est un phénomène particulièrement difficile à admettre », note Alex MacLean, photographe et auteur du livre Over [1]. Pourtant, le niveau marin monte bel et bien et de plus en plus vite. Depuis 1993, la hausse détectée par les satellites franco-américains Topex-Poséidon puis Jason 1 est de 3,3 ± 0,4 millimètres par an. Elle était seulement de 2 millimètres par an en moyenne au cours des cinquante années précédentes et de 0,1 à 0,2 millimètre par an durant les trois mille ans précédents. Cette hausse est imputable pour moitié à l’expansion thermique des eaux, consécutive au réchauffement climatique - l’eau se dilate lorsque sa température augmente. La fonte des glaciers est quant à elle responsable de 1,2 millimètre d’élévation. Le reste est dû aux apports d’eau des réservoirs continentaux ou aux calottes glaciaires.

Au vu de ces chiffres, à quelle montée du niveau de la mer faut-il s’attendre pour le siècle à venir ? Cette fois, les avis divergent. Le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) a estimé en 2007 que la hausse du niveau marin pourrait atteindre 18 à 59 centimètres d’ici 2100. Quelques mois plus tard, compte tenu de la fonte massive des glaciers groenlandais, d’autres chercheurs prévoyaient une montée de 1,6 mètre à la même échéance. Mais, début septembre 2008, des glaciologues de l’université du Colorado ont revu ce chiffre à la baisse : l’élévation du niveau marin devrait être d’environ 80 centimètres. Pour aboutir à ces chiffres, « tout le monde utilise pourtant les mêmes modèles et données … », observe Frédérique Rémy, de l’observatoire Midi- Pyrénées, à Toulouse. La différence entre les estimations provient de la façon dont les climatologues considèrent l’évolution des glaces du Groenland : « Le GIEC, par exemple, minimise l’impact des grands fleuves de glace qui déversent quantité d’eau dans les océans. À l’inverse, les partisans d’une forte élévation estiment que certains grands glaciers s’écoulent de plus en plus vite vers la mer et extrapolent ces données à l’ensemble du Groenland. In fine, ces divergences soulignent l’ampleur des incertitudes. »

De fait, bien des inconnues demeurent. En premier lieu, on ignore comment les calottes glaciaires groenlandaise et antarctique se comporteront. « Pour l’instant, nos modèles sont incapables de reproduire dans le détail ces calottes, ni l’effet d’un réchauffement sur la quantité de neige qui tombe, poursuit la glaciologue. L’estimation basse du GIEC peut être considérée comme la barre d’erreur inférieure. La haute comme la barre d’erreur supérieure. »

Seule certitude, la montée du niveau de la mer posera de sérieux problèmes aux communautés côtières : recul du littoral, salinisation progressive des nappes phréatiques infiltrées par l’eau de mer, vulnérabilité accrue aux inondations générées par les grandes tempêtes … L’OCDE estime ainsi qu’une élévation de 50 centimètres du niveau moyen des océans d’ici 2070 exposerait 150 millions de personnes à des inondations côtières centennales dans le monde, contre 40 millions actuellement. Et les deux tiers des infrastructures new-yorkaises actuelles pourraient, à cette échéance, se retrouver les pieds dans l’eau au moins une fois par décennie .

Extrait de Fabienne LEMARCHAND, Sous la menace des eaux, La Recherche, N° 424, Novembre 2008, p. 64, 6 €.

Notes

[1] Alex MACLEAN, Over, visions aériennes de l’American Way of Life : une absurdité écologique, coédition Dominique Carré Éditeur/La Découverte, 2008, 336 pages, 59€.