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Publié : 30 mai 2010
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Les animaux peuvent-ils aider à prévoir les séismes ?

Difficile de ne pas répondre à (cette) question par d’autres questions ! Car pour interpréter scientifiquement, à des fins préventives, les nombreux récits populaires décrivant une agitation animale inhabituelle peu avant un séisme, les chercheurs doivent résoudre de sérieuses énigmes.

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Certes, des témoignages évoquent des ânes qui ne veulent pas rentrer à l’écurie, des coqs qui se perchent sur un arbre, des éléphants brisant leurs chaînes, des porcs qui couinent étrangement ou des crapauds s’échappant de leur bassin … donnant lieu à des études, notamment au Japon, sur le comportement de chiens face aux variations magnétiques, mais il manque à tous ces cas d’études des méthodes d’analyse.

Sensibilité manifeste

A première vue, l’idée semble pourtant plausible : certains animaux sont manifestement sensibles à des phénomènes qui échappent aux humains, comme les variations du champ magnétique terrestre. C’est le cas des oiseaux ou des papillons, dotés de récepteurs qui leur permettent de suivre les lignes de force de ce champ. Partant de ce constat, plusieurs scientifiques chinois et japonais, originaires des régions parmi les plus sismiques du globe, tentent depuis les années 1960 de faire parler l’acuité animale, afin d’identifier de nouveaux signes annonciateurs.

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Et parmi ces chercheurs, le professeur Li Junzhi, de l’Institut de prévision sismique de Chine, affirme avoir prédit tous les tremblements de terre majeurs d’Asie depuis 1986 en comptabilisant les déplacements qu’effectue une perruche en vingt-quatre heures : ils passent de 2200 en moyenne à 4000 dans la semaine qui précède la catastrophe. « Le problème, tempère-t-il, c’est qu’on ne peut prédire ni l’endroit ni la date du séisme car il peut se situer à des centaines de kilomètres et avoir lieu plusieurs jours après. Qui plus est, si la perruche paraît sensible au phénomène, on ne sait pas à quoi exactement elle est sensible. » Ces troubles comportementaux, comme ceux des poissons-chats ou des hamsters, également étudiés, pourraient venir des variations électromagnétiques soudaines qui précèdent les séismes. La piste des micro-vibrations terrestres est également examinée avec des serpents qui y réagissent très bien via leurs écailles de reptation.

Cependant, l’examen du comportement de ces animaux butte sur les mêmes obstacles que la compilation des données de source technique quand il s’agit de la prédiction des séismes. La rareté de ces événements et leur singularité font toute la difficulté de collecter des informations décisives.

Des capacités innées

Comment associer à coup sûr une agitation animale inhabituelle à ce type de danger ? Il arrive aux perruches du professeur Junzhi de s’affoler pour d’autres raisons, à l’approche d’un orage par exemple … De plus, observera-t-on les mêmes comportements dans une autre région ? A un autre niveau, peut-on considérer que l’activité tellurique ait pu jouer un rôle suffisamment important dans la marche de l’évolution pour favoriser l’existence d’animaux aux capacités de détection sismique innées ? Joseph Kirschvink, professeur de géobiologie à l’université de Princeton, ne réfute pas l’hypothèse : selon lui, la sélection naturelle exercée par les séismes sur les animaux a sans doute été plus pressante qu’on ne le pensait autrefois, mais la question reste ouverte. « Pour survivre, il est clair que les animaux ont développé des appareils sensoriels supérieurs aux nôtres à certains égards, et qu’ils sont donc capables de percevoir des modifications environnementales infimes mais importantes que nous ne surveillons pas [1], explique George Pararas-Carayannis, président de la Tsunami Society basée à Honolulu. » Peut-être pourra-t-on un jour associer leurs sens à nos instruments de mesure ou les reconstituer synthétiquement pour anticiper les séismes, ajoute-t-il. Mais pour l’instant, les experts admettent que les animaux, pas plus que les sismologues, ne peuvent prévoir avec exactitude ces soubresauts de la terre. " Tout au plus peuvent-ils suggérer qu’une zone est à risque, comme l’ont fait les sismologues pour Haïti, où l’on savait qu’un puissant séisme se produirait un jour. . .

Extraits de Victor GUILLON, Les animaux peuvent-ils aider à prévoir les séismes ?, Science & Vie, Mai 2010, N° 1112, p. 114, 4,20 €.

Voir aussi En France, il n’y a que de petits séismes

Notes

[1] L’aide précieuse des animaux sentinelles : si la contribution des « animaux sentinelles » n’est pas probante dans la prévention des séismes, leur utilité ne fait en revanche aucun doute dans d’autres domaines. Ainsi, dès la fin du XIXe siècle, les canaris Harz signalaient l’imminence d’un coup de grisou au fond des mines de charbon (ils cessaient de chanter et mourraient dès les premières émanations de gaz). Aux Etats-Unis, des perches sont utilisées pour garantir la qualité de l’eau potable, et servent à la protection contre d’éventuelles attaques chimiques. Enfin, des études montrent aujourd’hui que l’odorat des chiens et des souris pourrait aider à dépister les cancers grâce aux molécules caractéristiques présentes dans l’haleine ou l’urine des patients. Voir article Canaris au fond des mines dans Petite encyclopédie indispensable.