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Publié : 5 septembre 2010
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Qu’est-ce qu’un système de retraite juste ?

Le débat sur la réforme des retraites s’est focalisé sur l’augmentation de l’âge légal pour tous. Alors qu’il faudrait plutôt égaliser le nombre d’annuités de cotisation.

http://www.coordination-nationale-infirmiere.org/

Qu’est-ce qu’un système de retraite juste ? Celui pour lequel chaque année d’activité donnerait droit à un même nombre de mois de retraite, quelle que soit la catégorie de population considérée, mais en tenant compte des différences d’espérance de vie entre classes sociales. Qu’en est-il du système français actuel ? L’âge légal de départ à la retraite, aujourd’hui remis en question, est fixé à 60 ans depuis 1981. Et le système fait l’hypothèse qu’un homme de 60 ans a encore vingt deux ans d’espérance de vie, quelle que soit sa catégorie sociale. Ainsi s’il a commencé à travailler jeune, à 16 ans par exemple, parvenu à 60 ans, il a cotisé durant quarante-quatre années et il lui reste vingt-deux ans à vivre. Ce qui équivaut à bénéficier de six mois de retraite pour une année de cotisation. Et celui qui a commencé à travailler plus tard, à 22 ans, prend sa retraite à 62 ans quand il a atteint les quarante années de cotisation. Il lui reste à peu près vingt ans à vivre. Soit, de même, six mois de retraite pour une année de cotisation. Mais l’hypothèse est-elle juste ? C’est oublier que celui qui a commencé à 16 ans a, en général, été ouvrier sa vie durant, et que celui qui a débuté à 22 ans a suivi une carrière de cadre grâce à ses études. Or, à son départ à 62 ans, un cadre a encore 22,5 années d’espérance de vie pour ses quarante années de cotisation, (soit une année de retraite pour 1,77 année de cotisation) tandis qu’à 60 ans, l’ouvrier n’en a que vingt et une pour quarante-quatre années de cotisations. Pour que le rapport des années de retraite aux années de cotisation soit restauré, l’ouvrier devrait partir en retraite à 57,5 ans : il aurait alors 23,5 années de retraite après 41,5 ans de cotisation, soit une année de retraite pour 1,76 année de cotisation, une proportion presque identique à celle du cadre (1,77). (…)

Cycle de vie

Par ailleurs, toutes les années de vie ne se valent pas. Certaines se passent en bonne santé, d’autres en incapacité et en dépendance. Or, l’inégalité entre cadres et ouvriers est flagrante puisque les premiers subissent en moyenne 3,5 années en mauvaise santé après 60 ans contre cinq ans pour les seconds. Si l’on veut maintenir constante pour les deux catégories la proportion entre années de retraite en bonne santé et années de cotisation, l’ouvrier doit partir à 56 ans et 8 mois, soit pratiquement avec le même nombre d’annuités de cotisation (40) que le cadre qui part à 62 ans. Égaliser le nombre d’annuités de cotisation va donc dans le sens de la justice sociale tandis qu’augmenter l’âge légal de départ à la retraite renforce l’injustice. C’est à cette aune que la réforme actuelle doit être jugée. Malheureusement, le récent débat sur la retraite a négligé cette exigence de justice, en partie faute de statistiques précises sur les âges au départ à la retraite en fonction du nombre d’années de cotisation et sur les espérances de vie en bonne santé par classe sociale, en partie par urgence comptable et en partie par politisation.

Extraits de Hervé Le Bras [1] , 62 ans, âge légal de départ à la retraite, La Recherche, N° 444, septembre 2010, p. 80, 6 €.

Les vieux en première ligne

Au moment où le Parlement commence l’examen de la réforme des retraites, il est instructif de se pencher sur l’évolution du chômage en fonction de l’âge des personnes concernées. (…)

Les plus de 50 ans fournissent désormais une grande part des nouveaux chômeurs. Et le rythme auquel leur nombre s’accroît ne ralentit absolument pas. En juin dernier, ils étaient déjà 700 000, soit 37 % de plus qu’en juin 2008. L’enquête emploi de l’Insee nous apprend par ailleurs que c’est surtout chez les plus de 55 ans que la situation se dégrade. C’est dans ce contexte que le gouvernement entend repousser dès l’an prochain l’âge minimal de départ en retraite. Comprenne qui pourra.

Extraits de Guillaume DUVAL, Les vieux en première ligne, Alternatives Économiques, n° 294, septembre 2010, p. 15, 3,80 €.

Notes

[1] Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales.