Ôªø Sornettes - Pourquoi dit-on que l'homme serait condamné si les abeilles disparaissaient ?

Sornettes

Vous êtes ici : Accueil du site > Balivernes > Pourquoi dit-on que l’homme serait condamné si les abeilles disparaissaient (...)
Publié : 31 octobre 2010
Version imprimable de cet article Version imprimable
Format PDF Enregistrer au format PDF

Pourquoi dit-on que l’homme serait condamné si les abeilles disparaissaient ?

En fait, c’est Albert Einstein lui-même qui aurait dit : « Si l’abeille venait à disparaître, l’homme n’aurait plus que 5 années à vivre. » Ou peut-être « 4 années » seulement.

Science & Vie et Solar Editions, 2010, 24,90 €

Ici, les versions divergent [1] … d’autant qu’il n’est pas certain que le physicien ait un jour formulé cette prophétie ! Ce qui est sûr, en revanche, c’est le rôle clé des abeilles dans la biosphère. Elles sont essentielles à la pollinisation de nombre d’espèces végétales ; leur disparition serait fatale à ces dernières et, partant, aux espèces animales qui s’en nourrissent. Au point de menacer, in fine, l’humanité ?

La question n’est pas si absurde : les abeilles sont mal en point. Entre virus, pesticides et autres prédateurs, le nombre de ruches dans l’Hexagone est passé de l,5 million en 1994 à 1 million en 2005. Aux Etats-Unis, près d’un tiers des abeilles a disparu. Le jour s’approche-t-il, où faute d’abeille, le temps sera compté à l’humanité ? Nous n’en sommes pas là ; mais surtout, la disparition des abeilles n’est pas en mesure de compromettre la survie de l’homme. Et pour cause : en volume, notre alimentation dépend principalement de céréales (maïs, riz, blé) qui sont pollinisées par le vent !

www.jedessine.com/ img/les-abeilles-1523.jpg

Cela dit, la disparition des butineuses serait malgré tout une catastrophe car, sur 1 330 espèces de plantes utilisées par l’homme, plus de 75 % nécessitent l’intervention d’un pollinisateur : depuis les fruitiers ligneux (cerisier, pommier … ) et les fruitiers à petits fruits (framboises, groseilles), jusqu’à nombre de cultures maraîchères (melons, courgettes … ). En outre, beaucoup de légumes dont nous ne consommons pas les fruits doivent être pollinisés pour former leurs graines : salades, poireaux, oignons …

Certes, une partie de ces espèces peut s’autoféconder, ou se faire polliniser par le vent ; mais au prix d’une chute considérable du rendement : -88 % pour la fraise, -65 % pour l’oignon … Enfin, la disparition des abeilles se traduirait aussi par une profonde modification des écosystèmes. On pourrait assister à un retour en force des conifères, pollinisés par le vent. Tandis que des milieux comme la garrigue disparaîtraient.

Reste que les études ne portent que sur l’abeille domestique Apis mellifera, alors qu’il y a, rien qu’en France, plus de mille espèces sauvages. « Nous avons toutes les raisons de penser que les problèmes de l’abeille domestique frappent aussi, et même plus, les abeilles sauvages, affirme Bernard Vaissière, chercheur au laboratoire de pollinisation entomophile de l’Inra. Elles ont en effet des cycles de vie analogues et la même alimentation, mais la structure sociale d’Apis mellifera la protège davantage. » [2]

Yves SCIAMA, Pourquoi dit-on que l’homme serait condamné si les abeilles disparaissaient ?, 200 Questions de la vie, Réponses de la science, Science & Vie et Solar Editions, 2010, p. 159, 24,90 €.

Notes

[1] « …, et divergent c’est énorme. » Pierre DESPROGES, humoriste français (1939 - 1988)

[2] Des chercheurs ont estimé la valeur de la pollinisation des arbres et des plantes réalisée par les abeilles dans un pays comme la Suisse : ces butineuses sont l’indispensable chaînon d’une production agricole estimée à 213 millions de dollars par an, cinq fois plus que la valeur du miel qu’elles fournissent. Dans le monde, la disparition des insectes pollinisateurs se traduirait par des pertes estimées à 153 milliards de dollars, 9,5 % de la production agricole mondiale, a estimé une équipe de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). Voir Alternatives Economiques,n° 296, novembre 2010, p. 52.