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Publié : 21 novembre 2010
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Le mirage de la voiture électrique

La voiture électrique fait beaucoup parler d’elle, mais ses avantages paraissent limités tant sur le plan écologique qu’économique.

Icone voiture électrique

Peugeot iOn, Citroen C-Zéro, Renault Zoé, MiEV de Mitsubishi ou encore Nissan Leaf, la voiture électrique a été la star du Mondial de l’automobile le mois dernier (octobre 2010). Ces modèles souffrent cependant toujours de sérieux handicaps et leur bilan environnemental n’est pas si favorable qu’il y paraît.

Premier frein : leur prix. La Peugeot iOn, mini-véhicule citadin, coûte 35 000 euros, dont il faut déduire le superbonus de 5 000 euros accordé par l’Etat : soit le prix d’un monospace diesel de luxe chez le même constructeur ! D’où l’idée de Peugeot de louer la iOn plutôt que de la vendre. Il faut cependant parcourir plus de 20 000 kilomètres par an pour espérer l’amortir.

Manque de souffle

Autre désagrément : l’autonomie des batteries qui ne dépasse guère encore 150 kilomètres. Avec la climatisation ou le chauffage, celle-ci peut même descendre à 70 km ! Certes, 80 % des déplacements sont de courts trajets. Mais une voiture sert aussi pour partir en vacances, même si ça n’arrive qu’une ou deux fois par an. Pour de plus longs trajets, il faudra attendre que la France soit couverte de stations de recharge ou d’échange de batterie. Or, le plan gouvernemental de déploiement de ces infrastructures est timide : 75 000 bornes de recharge sur la voie publique, dont 15 000 seulement à recharge rapide. Et rapide, c’est beaucoup dire : il faut tout de même compter 30 minutes pour un « plein ». Rien n’est prévu, en revanche, pour développer des stations d’échange de batterie vide contre une batterie pleine, qui constituerait pourtant a priori la solution la moins chronophage.

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A ces inconvénients, il faut encore ajouter l’incapacité des constructeurs à s’entendre sur les standards : les bornes de recharge rapide devront comporter deux prises, l’une en courant alternatif pour les Renault, l’autre en courant continu pour les Peugeot et les Citroen, qui utilisent la technologie Mitsubishi. Tous ces désavantages cantonneront probablement encore longtemps la voiture électrique aux flottes des entreprises et des administrations.

Energivore

L’effort public consenti en faveur de la voiture électrique - par le bais des bonus à l’achat et de la commande publique mérite de toute façon réflexion. D’abord parce qu’elle n’est pas source d’économies d’énergie : comme il faut produire l’électricité utilisée, le rendement énergétique global est plus mauvais qu’avec les automobiles classiques.

Ensuite, la voiture électrique n’entraîne une réelle baisse des émissions de CO2 que si l’électricité est produite à partir d’énergies décarbonées, et donc en pratique vu les quantités nécessaires, à partir du nucléaire. C’est le cas en France, dira-t-on, même s’il faudrait construire beaucoup de nouvelles centrales (et donc accumuler un peu plus les déchets radioactifs) pour répondre aux besoins d’un parc automobile massivement électrique. Le nucléaire est cependant inapte à répondre aux pics de consommation d’électricité, couvert grâce aux centrales … à charbon ou à gaz ! En Chine, où la production d’électricité se fait pour l’essentiel à partir du charbon, la diffusion de la voiture électrique aurait donc pour résultat d’accroître encore les émissions.

Marc CHEVALLIER , Le mirage de la voiture électrique, Alternatives Economiques, n°296, novembre 2010, p. 54, 3,90 €.