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Publié : 10 février 2008
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En France, il n’y a que de petits séismes

La France métropolitaine peut-elle dormir sur ses deux oreilles ? Elle semble épargnée par les gros séismes, au vu des siècles derniers. Mais connaît-on toutes les failles actives ?

La Recherche : Quels sont les derniers gros séismes ressentis en France métropolitaine ?
Oona SCOTTI [1] : Les habitants de Saint-Dié, dans les Vosges, s’en souviennent bien. Le 22 février 2003, un séisme de 5,4 sur l’échelle de Richter fut suivi de deux répliques dans la même nuit. L’année précédente, les Bretons avaient eux aussi tremblé. L’épicentre était situé près de Lorient. En 1996, le tremblement de terre d’Annecy avait causé 61 millions d’euros de dégâts.

La France est-elle donc soumise au risque sismique ?
Oona SCOTTI : Elle l’est beaucoup aux Antilles, à l’aplomb d’une zone de subduction, mais modérément en métropole. L’aléa sismique y est faible comparé à nos voisins transalpins. Nous ne sommes pas dans une zone de contact entre deux plaques tectoniques. Or, c’est dans ces régions que se concentrent les séismes les plus destructeurs.

Carte de l'aléa sismique

Quelles sont les zones où l’aléa sismique est le plus important ?
Oona SCOTTI : Les archives historiques sur environ 1 000 ans, ainsi que les observations sismologiques effectuées depuis 1962, nous racontent que les Pyrénées sont concernées au premier chef, puis les Alpes et la région niçoise. Les Bassins sédimentaires aquitain et parisien sont les seules régions quasi asismiques. Pour autant, le risque nul n’existe pas. C’est ce que nous a appris le séisme italien de 2002 de San Giuliano di Puglia, dans la région du Molise. Soixante enfants ont péri lors de l’écroulement du toit d’une école primaire, alors que la zone n’était soumise à aucune réglementation stricte.

Comment prévoit-on la période de récurrence d’un gros séisme ?
Oona SCOTTI : En analysant les petits séisme ! qui reviennent souvent, et les gros séismes qui sont rares. Cela nous donne une droite qui lie la magnitude d’un séisme à sa période de récurrence. Les Alpes, par exemple, subissent un séisme de magnitude 6 tous les 600 ans environ. Mais tout dépend des informations disponibles sur les séismes passés. Les archives ne sont pas complètes et ne courent que sur 1 000 ans au mieux. On peut tout de même remonter jusqu’à 25 000 ans en essayant de repérer les failles sur le terrain, car ce sont leurs mouvements qui créent les séismes.

Voit-on toujours les failles responsables de séismes ?
Oona SCOTTI : Nous pouvons détecter toutes celles qui ont bougé à condition qu’elles apparaissent à la surface, ce qui est souvent le cas. Mais parfois elles sont tellement profondes qu’elles n’émergent pas. Ce sont des failles dites cachées dont les mouvements peuvent être aussi dévastateurs. C’est le cas de la faille américaine de Northridge. Elle a occasionné en 1994 le séisme le plus dévastateur qu’a connu Los Angeles. C’est l’une de ces failles non détectée qui a fait trembler le Japon le 16 juillet dernier (2007). Il doit y en avoir dans les AIpes et les Pyrénées.

A-t-on répertorié toutes les failles actives ?
Oona SCOTTI : Probablement pas, car identifier une faille et estimer son potentiel simique sont deux choses différentes. La faille des Cévennes par exemple, est bien visible, mais son potentiel sismique demeure très discuté. On sait par contre que celle la Moyenne-Durance, moins visible à la surface, a été le lieu de séismes. C’est un travail de longue haleine. Aujourd’hui, certaines failles ont été clairement identifiées comme responsables de séismes. On considère ainsi que la faille de la Trévaresse est à l’origine du séisme destructeur de Lambesc qui a affecté le sud-est de la France le 11 juin 1909. L’étude des déformations des couches sédimentaires montre que des séismes de magnitude au moins équivalente s’y sont produits sept fois depuis 11 000 ans.

Une zone éloignée d’une faille peut-elle craindre les effets d’un séisme ?
Oona SCOTTI : Il y a ce qu’on appelle les effets de site. Leur étude a commencé après le tremblement de terre de Mexico en 1985. Sa source se situait à plus de 300 kilomètres de là, et c’est pourtant à Mexico que les dégâts furent les plus importants.

Comment l’explique-t-on ?
Oona SCOTTI : Les ondes sismiques subissent des modifications quand elles traversent des milieux sédimentaires. Leur signal s’allonge et s’amplifie. San Giuliano en est encore un exemple. L’école primaire était au centre du bassin sédimentaire. A cet endroit, l’amplitude de l’onde - donc le mouvement du sol - était supérieure de 60 % à celle des environs ! La situation topographique peut aussi amplifier le signal, car les ondes se focalisent vers les sommets. A Rognes, lors du séisme de Lambesc, les dégâts se sont concentrés sur les hauteurs du village.

Quels sont les dangers pour les bâtiments ?
Oona SCOTTI : Si la gamme des fréquences d’amplification des ondes correspond à la fréquence de résonance des bâtiments, ceux-ci vibrent tellement qu’ils s’effondrent. Cette fréquence dépend entre autres du nombre d’étages. En 1985, à Mexico, la plupart des immeubles de 8 à 18 étages ont ainsi été détruits. Les coûts peuvent devenir exorbitants (90 milliards d’euros pour la préfecture de Niigata après le séisme du 16 juillet 2007). La connaissance des effets de site est primordiale afin de prévenir les dégâts en édictant des règles de construction adaptées aux conditions locales. En France, certaines villes édifiées sur des remplissages alluvionnaires comme Nice, Bagnères-de-Bigorre, Grenoble et Pointe-à-Pitre sont l’objet d’études approfondies afin de quantifier l’amplification qui pourrait survenir lors d’un fort séisme.

Propos recueillis par Jacques-Olivier Baruch, Le dictionnaire des idées reçues en science, La Recherche, n°412, Octobre 2007, p. 78, 6,40 €.

Voir aussi Les animaux peuvent-ils aider à prévoir les séismes ?

Notes

[1] Oona SCOTTI, d’origine italienne, est titulaire d’un Master of Art in Geology, obtenu au Trinity College d’Irelande en 1983, puis à la suite du séisme dévastateur d’Irpinia (1980) en Italie qui s’est produit pendant ses études de géologie, elle rejoint l’US Geological Survey (Californie) et reprend alors ses études en géologie et obtient un Master (1985) puis un PhD (1991) en géophysique à l’Université de Stanford (Californie). De retour en Europe, elle travaille comme post doctorante (1992) à l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) et au Laboratoire de Géophysique Interne de la Terre (LGIT) de Grenoble. Depuis 1997, elle est sismologue à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).