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Publié : 22 février 2009
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L’effet placebo

Patrick LEMOINE [1], « Le Mystère du placebo », Éditions Odile Jacob, 1996, rééd. 2006.
Efficace chez l’adulte, l’enfant, le nourrisson ou l’animal domestique, le placebo [2] peut soigner voire guérir des maladies, sans être doté de molécules chimiquement actives. Explications sur le fonctionnement de ce mystérieux mécanisme.

Couverture : Isabelle Mouton

Avec le placebo on se trouve dans une illusion bien réelle puisque la substance prescrite est virtuelle mais peut guérir les individus. A partir du moment où le placebo fait l’objet d’une conviction partagée entre le thérapeute et le patient, on voit qu’il peut déclencher toute une cascade de traitements de la part de l’organisme. Ces processus irrationnels le sont de moins en moins puisqu’on commence maintenant à repérer les mécanismes biologiques de cette poudre de perlimpinpin.

En effet, un bébé insomniaque, ça n’est le plus souvent que le résultat d’une anxiété présente dans la famille : un déménagement, une période de chômage, un conflit entre les parents … Si l’on prescrit avec conviction un placebo de somnifère, cela rassure les parents, ils deviennent plus sereins et le bébé arrive à dormir normalement. Le bébé réagira aux changements de son environnement.

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L’effet placebo est le résultat du traitement prescrit, c’est le marqueur de la qualité de la relation médecin-patient. Si la consultation s’est mal déroulée, il y a toutes les chances pour que le traitement ne fonctionne pas. Il peut même y avoir un effet nocebo [3], c’est-à-dire que l’état de santé du patient s’aggrave ou qu’il y a des effets secondaires. A l’inverse, une bonne relation thérapeutique aura toutes les chances de produire de bons résultats. D’où l’importance de choisir un médecin en qui on a toute confiance et avec lequel on s’entend bien. (…)

Dans la consultation d’un homéopathe, il y a tout un rituel qui va ou non augmenter l’impact thérapeutique. Les médecins homéopathes ont une grande conviction, ils croient en leur méthode. Ils considérent que le patient est une personne dans son entier et non un ensemble d’organes à soigner. Ils prennent également plus de temps pour leur consultation et plus d’argent qu’un médecin traditionnel. Ils partagent leur savoir avec leurs patients en expliquant ce qu’ils font. Ils prescrivent aussi des noms de molécules compliqués en latin, suivis de chiffres cabalistiques. (…)
Bref, l’homéopathe optimise au mieux l’effet placebo avec tout un protocole qui fait que le patient se retrouve dans les meilleures conditions possibles pour que l’organisme se mette à sécréter les bons antidotes. (…)

Chez l’animal sauvage, l’effet placebo ne fonctionne pas très bien, mais on voit de nombreux exemples positifs chez les animaux domestiques. (…)

À part le coma dépassé, toutes les maladies réagissent plus ou moins au placebo. La douleur est particulièrement sensible à l’effet placebo, notamment celle qui provoque de l’angoisse. Le placebo est efficace à plus de 80 % dans les cas d’angine de poitrine. En chirurgie dentaire, le placebo anti-douleur fonctionne car le patient, qui s’attend à avoir mal, va fabriquer lui-même des endomorphines. Les placebos d’antalgiques, quelle que soit la douleur, fonctionnent en grande partie par une augmentation des morphines endogènes que nous fabriquons nous-mêmes. L’insomnie est l’autre grand domaine où l’effet placebo est le plus sensible.

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Les laboratoires pharmaceutiques dépensent beaucoup d’argent pour modifier le nom, la taille, la forme ou la saveur d’un produit en fonction du symptôme à traiter. Une étude a montré qu’un médicament tranquillisant était plus efficace s’il était rose que s’il était vert. Par ailleurs, le rose et le bleu sont des couleurs plus adéquates pour traiter les problèmes de sommeil ou d’anxiété, le jaune safran pour les troubles urinaires et le marron pour la digestion. De même, dans les cas de fatigue ou de dépression, les préfixes utilisés dans le nom du médicament cherchent à tirer le patient vers le haut : le Surélen, le Prozac, le Survector ou encore mieux l’Ascensyl ! (…)

La vitamine C serait un placebo. Or de nombreuses études scientifiques ont montré son intérêt. (…)
Il y a au moins 40 000 publications sur la vitamine C et toutes les études qui ont cherché à prouver son intérêt contre la fatigue, pour lutter contre les pertes de mémoire, dans la prévention du cancer, pour soigner la cataracte, la grippe, ou le rhume n’ont jamais rien démontré. Une expérience intéressante a été menée auprès de plusieurs centaines d’étudiants sains. Entre l’automne et le printemps, il leur a été donné par tirage au sort, soit de la vitamine C, soit du placebo. Au printemps on a compté combien il y avait eu de rhumes et l’on a vu que dans le groupe vitamine C il y en avait eu moins. En réalité il y avait trois groupes parmi ces étudiants : ceux qui ont eu de la vitamine C et qui étaient sûrs d’en avoir eu. Il y a eu ceux qui avaient eu de la vitamine C, mais qui pensaient avoir eu un placebo. Et puis les étudiants qui ont eu un placebo et qui étaient certains d’avoir eu de la vitamine C.
Les résultats ont été très étonnants : ce sont ceux qui avaient reçu du placebo et qui étaient persuadés d’avoir eu de la vitamine C, qui ont eu le moins de rhumes parmi tous les étudiants.

C’est donc bien « la croyance » dans l’efficaclte de la vitamine C qui soigne. C’est d’ailleurs très noble parce que cela montre que l’organisme a de très grandes ressources et que répondre à un placebo comme la vitamine C, c’est faire confiance à son corps et se dire qu’il va être capable de réagir à une injonction. Notre cerveau est une véritable pharmacie avec des antalgiques, des antibiotiques, des anti-cancéreux, de la morphine, ou de la cocaïne que l’on peut sécréter ! Grâce à notre conviction, on peut fabriquer tout ce qui peut soigner le corps humain. (…)

Extraits de Mathieu VIDARD, Abécédaire scientifique pour les curieux, Les têtes au carré, France Inter - Sciences Humaines éditions, 2008, L’effet placebo p. 162, 17 €.

Voir Effet placebo : « pour guérir, pas besoin de mentir ! », entretien avec Jean-Jacques Aulas, psychiatre et pharmacologue, L’effet placebo et ses paradoxes et Le placebo chez l’animal ou le bébé.

Notes

[1] Patrick LEMOINE est medecin psychiatre spécialisé dans l’exploration et la prise en charge de la dépression et des troubles du sommeil. Voir Pharmacologie du placebo

[2] Le mot « placebo » vient du verbe latin « placere » (plaire) conjugué au futur : « je plairai ». C’est un mot que l’on retrouvait, au Moyen Âge, dans les vêpres des morts : « Placebo domino in regione vivorum » : « Je plairai au Seigneur dans la région des vivants. » Par contraction, au Moyen Âge, les gens ne disaient pas : « je vais aux vêpres », mais : « je vais à placebo ». Au fil de l’histoire, (…) le placebo est devenu un flatteur de cour. Et puis le placebo a quitté l’habit de cour, pour prendre la blouse blanche. Le mot est apparu pour la première fois dans un dictionnaire médical anglais en 1785. En France, il faudra attendre 1958 !

[3] Effet nocebo du latin : « je nuirai ». Cet effet nocebo peut prendre la forme des effets indésirables d’un vrai médicament.